Poutine et Kim Jong-un : 3 raisons pour lesquelles les dirigeants de la Russie et de la Corée du Nord souhaitent devenir des alliés - BBC News Afrique (2024)

Le président russe Vladimir Poutine est arrivé en Corée du Nord - pour sa première visite officielle dans ce pays asiatique depuis 24 ans - et a été reçu par son hom*ologue Kim Jong-un.

Les deux dirigeants doivent signer plusieurs accords conjoints et, selon la BBC, tiendront une conférence de presse pour discuter du bilan de la journée.

La dernière visite de Poutine remonte à 2000, lorsque Kim Jong-il, le père de l'actuel dirigeant, était encore au pouvoir.

Les deux dirigeants se sont rencontrés en septembre dernier, mais uniquement dans la ville russe de Vladivostok. C'est à cette époque que Kim Jong-un a invité Poutine à se rendre dans son pays.

Alors que la réunion de l'année dernière avait permis de jeter les bases des relations entre les deux pays, les analystes estiment que la nouvelle réunion sera l'occasion de montrer que les relations ont progressé de manière significative.

La réunion devrait être axée sur la coopération militaire entre les deux armées, mais elle sera également l'occasion de renforcer la coopération dans un certain nombre de domaines, notamment l'économie, la culture, l'agriculture, le tourisme et la sphère sociale.

Il sera notamment intéressant de voir dans quelle mesure le président Poutine mentionnera l'échange d'armes avancées et la possession d'armes nucléaires par la Corée du Nord.

Les États-Unis et Séoul ont accusé la Corée du Nord de fournir à la Russie de l'artillerie et d'autres équipements, probablement en échange d'une aide alimentaire et militaire.

Les deux pays nient l'existence d'un marché d'armes, mais se sont engagés l'année dernière à renforcer leurs liens militaires.

Depuis l'invasion massive de l'Ukraine par la Russie, M. Poutine est devenu un paria pour l'Occident et cherche des alliés ailleurs.

Après la Corée du Nord, le dirigeant russe se rendra au Viêt Nam, un allié de longue date ; les deux pays devraient discuter de questions telles que le commerce.

Dans ce contexte, voici trois raisons qui expliquent le rapprochement entre la Russie et la Corée du Nord.

1. la coopération militaire : la Russie a besoin d'armes, la Corée du Nord a besoin d'un soutien technique.

Près de deux ans et demi après le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'interdépendance entre la Corée du Nord et la Russie continue de se renforcer au fur et à mesure qu'elles s'approvisionnent mutuellement.

Nam Sung-wook, professeur au département de l'unification et de la diplomatie de l'université de Corée, a déclaré qu'à ce stade, l'ordre du jour de la réunion se concentrera sur la définition du nombre d'armes fabriquées par la Corée du Nord qui seront fournies à la Russie à l'avenir.

D'autres affirment qu'il est possible que la réunion aille au-delà des accords à court terme axés sur la fourniture d'armes conventionnelles par la Corée du Nord et qu'elle jette les bases d'une coopération militaire beaucoup plus étroite par le biais de programmes tels que le développement conjoint de systèmes d'armement.

Il se pourrait également que la Corée du Nord veuille plus que de la nourriture et du carburant en échange des armes qu'elle fournit à la Russie.

Le professeur Nam a notamment prédit que la Corée du Nord - qui n'a pas réussi à lancer un satellite de reconnaissance militaire en mai dernier - profitera de la réunion pour discuter du soutien de la Russie à sa technologie aérospatiale.

L'explication est que la Corée du Nord aura besoin de l'aide de la Russie, puissance technologique dans le domaine de l'espace, pour lancer avec succès des satellites supplémentaires.

On prévoit également que la Corée du Nord cherchera à obtenir le soutien technologique de la Russie pour augmenter la résolution des satellites de reconnaissance et des sous-marins nucléaires.

Par ailleurs, le professeur Nam estime qu'il est peu probable que la question des échanges d'armes nucléaires devienne un jour une question publique.

Actuellement, le président Poutine s'est montré sensible à l'afflux d'armes occidentales en Ukraine et à la menace qu'elles représentent pour la Russie continentale. Il a même évoqué la possibilité d'utiliser des armes nucléaires.

Toutefois, étant donné que la coopération ou l'échange d'armes nucléaires entre la péninsule coréenne et l'Asie du Nord-Est pourrait susciter une forte opposition de la part de pays tels que les États-Unis et la Chine, on s'attend à ce que peu de choses soient révélées sur les discussions nucléaires qui auront lieu au cours de la réunion.

2. Coopération économique : la Russie veut de la main-d'œuvre, la Corée du Nord veut des devises fortes.

La Russie et la Corée du Nord devraient également discuter du développement de la coopération économique.

Kang Dong-wan, professeur de sciences politiques et de diplomatie à l'université Dong-A, a déclaré que ce dont la Corée du Nord a le plus besoin de la part de la Russie à l'heure actuelle, ce sont "les recettes en devises provenant des travailleurs".

Cela signifie que la possibilité pour la Corée du Nord d'envoyer des travailleurs supplémentaires en Russie pourrait s'accroître.

La Russie a également besoin de main-d'œuvre pour reconstruire les bâtiments endommagés par la guerre. Un nombre important de travailleurs est nécessaire pour réparer les dommages causés par la guerre en Ukraine et reconstruire l'économie.

Le média russe Vedomosti a cité une source diplomatique selon laquelle "les deux dirigeants pourraient discuter de l'opportunité de faire venir des travailleurs migrants de Corée du Nord, étant donné que la Russie connaît une grave pénurie de main-d'œuvre en raison de la mobilisation des troupes et des jeunes qui fuient à l'étranger après la guerre en Ukraine".

Par ailleurs, conformément aux sanctions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies à l'encontre de la Corée du Nord, il est interdit aux travailleurs nord-coréens de travailler à l'étranger et tous ceux qui se trouvaient déjà à l'étranger doivent être rapatriés d'ici le 22 décembre 2019.

Il est donc fort probable que si la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, cherche officiellement à embaucher des travailleurs nord-coréens, cela créera des remous au sein de la communauté internationale.

L'accent sera mis sur la manière dont les deux pays poursuivront leur coopération économique face à l'opposition et à la pression diplomatique de la communauté internationale.

3. Échanges culturels : le canal touristique Corée du Nord-Russie sera-t-il ouvert ?

En février, la Russie a repris les voyages en groupe vers la Corée du Nord, qui avaient été suspendus à la suite de l'affaire du covid-19.

En outre, le service de trains de passagers entre la Corée du Nord et la Russie a repris au début du mois, pour la première fois depuis environ quatre ans.

Selon le gouvernement de la région russe de Primorsky Krai, plus de 400 touristes russes ont visité la Corée du Nord entre février et mai de cette année.

L'agence de voyage russe Vostok Intru propose sur son site web un voyage organisé de cinq jours et quatre nuits en Corée du Nord pour 750 dollars américains.

Des voyages de groupe en Corée du Nord sont également proposés et peuvent être réservés jusqu'en septembre.

Le site web propose divers produits touristiques tels que des visites de la montagne Baekdu, une visite de l'histoire de la Corée du Nord et un itinéraire pour l'anniversaire de la victoire de la guerre de libération de la patrie.

Kim Dong-yup, professeur à l'université d'études nord-coréennes, a expliqué la raison de la récente augmentation du tourisme dans le pays : "C'est parce que le tourisme n'est pas seulement un moyen de gagner des devises, mais joue également un rôle important dans l'amélioration des relations grâce à des échanges directs entre les personnes".

Il ajoute que les Russes qui visitent la Corée du Nord contribuent grandement à promouvoir les relations amicales entre les deux pays.

L'analyse est qu'avec l'augmentation des visites interpersonnelles, l'interdépendance entre les deux pays est renforcée, ce qui peut contribuer à apaiser les tensions militaires.

Le professeur Kim a déclaré que les visites de touristes étrangers contribuent à atténuer l'image de la Corée du Nord comme pays fermé et dangereux aux yeux de la communauté internationale.

Ainsi, le tourisme nord-coréen est considéré comme un moyen important d'échanges sociaux et culturels et d'amélioration de l'image internationale, au-delà des aspects économiques.

Toutefois, il y a eu récemment des cas d'annulation de voyages de groupe en Corée du Nord.

Une agence de voyage a annoncé qu'un voyage de groupe de quatre jours dans le pays, prévu pour le 31 mai, avait été annulé en raison d'un manque de candidats.

En raison des caractéristiques propres à la Corée du Nord - absence d'infrastructure touristique et restriction de la libre circulation des étrangers - il est difficile de développer ce secteur.

Le professeur Kang Dong-wan a noté que ce sommet entre la Corée du Nord et la Russie pourrait être l'occasion de discuter de la coopération dans le domaine du tourisme.

24 ans plus tard

Le 19 juillet 2000, le président Poutine s'est rendu pour la première fois à Pyongyang et a rencontré le président Kim Jong-il.

Il s'agissait du premier sommet entre la Russie et la Corée du Nord depuis la fin de la guerre froide.

À l'époque, la Russie rêvait de réintégrer la communauté internationale et la Corée du Nord tentait d'accroître ses contacts avec le monde extérieur après la fin de la période de la "Marche ardue".

Les deux dirigeants ont alors adopté la déclaration conjointe Corée du Nord-Russie, qui fait référence à la coopération mutuelle entre les deux pays sur diverses questions, notamment la question des missiles nord-coréens, et précise le contenu du traité d'amitié et de coopération.

En particulier, en ce qui concerne la coopération militaire, il a été convenu qu'"en cas d'invasion ou de situation dangereuse, les deux pays se contacteront immédiatement".

Compte tenu du renforcement des relations entre la Corée du Nord et la Russie, il est permis de penser que le traité, qui est déjà passé du statut d'"entente" à celui d'"alliance", sera renouvelé lors de cette réunion.

Le professeur Nam a expliqué : "La précédente visite de Poutine dans le pays asiatique a eu lieu à une époque où les provocations militaires de la Corée du Nord étaient limitées, mais aujourd'hui, avec la guerre en Ukraine comme opportunité, les liens militaires entre la Corée du Nord et la Russie se sont renforcés. Ce sommet apportera une coopération beaucoup plus dense que par le passé."

"Il semble qu'elle atteindra presque le niveau d'une alliance", a-t-il ajouté.

Il a également souligné qu'une autre grande différence réside dans le fait que la Corée du Nord ne possédait pas d'armes nucléaires dans le passé, ce qui est le cas aujourd'hui.

"Dans une situation de réorganisation de l'ordre international et d'affaiblissem*nt du système unipolaire centré sur les États-Unis, la Russie et la Corée du Nord devraient chercher de nouveaux moyens de coopérer pour défendre leurs intérêts nationaux respectifs.

Il a ajouté : "Dans une situation où les relations intercoréennes sont rompues, il est possible que la Corée du Nord conçoive une nouvelle stratégie diplomatique.